Tout
autre, un manifeste antipolitique ?
A. Qu’est-ce que Tout autre, qui paraît le 26 septembre
2012 ? Une « autoprésentation » de François Meyronnis, comme
Ecce homo pour Nietzsche ?
B. C’est l’histoire d’un alien :
le récit d’une vie qui, depuis l’enfance, n’a cessé d’approfondir l’écart. L’auteur
expose pourquoi il n’appartient pas –
pourquoi il ne ressemble pas. Celui qui s’exprime marche sur un fil entre les
vivants et les morts.
A. Ah bon ? L’auteur se
sentirait-il une faible vocation humaine ?
B. Très faible en vérité. Et le
fait de ne pas s’identifier à un ensemble lui donne plus de force.
A. Vraiment ? Mais cet afflux
de force ne le rend-il pas également plus vulnérable ?
B. Hélas, oui. Difficile de l’être
plus. Meyronnis n’occupe aucune position, ne dispose d’aucune place. Ce qui n’arrange
rien, il est pauvre.
A. Peut-on encore adopter cette
façon de vivre dans une société qui n’admet plus aucun dehors par rapport à
elle-même ?
B. En principe, non. On ne devrait
plus accueillir en soi le rebut, la part rejetée ; ni se tourner vers ce
qui ne sert à rien. De tels individus devraient mourir de faim, abandonnés de
tous. De tels flambeurs de phrases, il n’en faut plus.
A. D’ailleurs, en quoi la vie d’un
irrégulier intéresse-t-elle le public ?
B. En rien. Elle concerne la vie
de chaque être en tant qu’il est seul.
A. Seul, qui le demeure à l’âge
des réseaux sociaux ?
B. Personne. Tout le monde. Le
livre montre que l’existence de l’irrégulier interroge celles de tous ses
contemporains.
A.De quelle façon ?
B. Par exemple on apprend dans Tout autre quelques vérités sur la génération
née dans les années soixante, celle de Michel Houellebecq. Et ce n’est pas
exactement le point de vue que cette génération a sur elle-même. On apprend
aussi quelques vérités sur ce pays travaillé par des forces mortifères, et qui
semble avoir fait un pacte avec la Collaboration.
A. Quoi ? Mais cette
autobiographie ressemble tout à coup à un brûlot politique…
B. Alors par un biais qui récuse
tous les discours de cette farine. En fixant le mouvement d’une existence
réfractaire, dans sa nervure d’obstination, on obtient un manifeste antipolitique.
A. Meyronnis anonymous ?
B. En quelque sorte.